François Ruaux

Naissance de François, l'an 1808

Ferme du Marché à Escles.

Le 6 décembre 1808, Jean-Francois Ruaux, 31 ans, tourne en rond dans la cuisine. Sa femme, Elisabeth Didelot, 24 ans, est en train d’accoucher. Ils se sont mariés le13 février 1805 et ont déjà une fille, Marie Anne, qui a presque 2 ans, et qui se mariera en 1843 avec Maurice Vilmin d’Escles.

Napoléon vient d’entrer à Madrid le 4 décembre ;  Cela fait 4 ans qu’il s’est fait sacrer empereur de France avec Joséphine de Beauharnais comme impératrice. En avril 1808, c'est la naissance de Louis Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon 1er, futur empereur Napoléon III de 1852 à 1870.

La famille Ruaux habite Escles (1200 habitants) depuis 1719, année où Dominique Ruaux, l’arrière grand-père de Jean-François, est venu de Gruey pour épouser Marie Aubry.

Depuis, bien des évènements ont transformé leurs vies, et en particulier la révolution qui leur a permis de devenir propriétaires des terres qu’ils cultivaient depuis des générations.

La vie dans cette campagne de la Vôge est dure : beaucoup de travail et de peines, compensées par les joies des mariages, baptêmes et fêtes.

Jean-François vit avec son frère, Joseph Ruaux, qui a maintenant 25 ans et qui se mariera à l’âge de 44 ans. Il sera l’ancêtre de René et Jean-Marie Ruaux, nos contemporains d’Escles.

Sa sœur, Marie-Thérèse, a quitté le foyer familial en 1804 à 29 ans, pour se marier avec Etienne Balaud.

L’accoucheuse, matronne du village sort de la chambre et s’écrie : « c’est un garçon ! »

On l’appellera François comme son père ! Il reprendra la ferme ! Joie, un héritier…

François aura 2 autres sœurs : Marie-Thérèse née en 1810 qui se mariera en 1838 avec François Joseph Cablé de Dombasle devant Darney, et la petite dernière, Elisabeth Ruaux née en 1822, qui se mariera avec Victor Thouvenot d’Escles, en 1850 (10 enfants dont 4 morts en bas âge).

François travaille à la ferme très tôt : il garde les vaches, aide aux champs, et ce, du lever au coucher du soleil. Dès l’âge de 9 ans, il aide son père aux champs, au moment des labours, à guider le bœuf pour aller droit. Source

Ecole minimaliste pour François : il saura lire, écrire et compter... trop de travaux à la ferme, à quoi bon étudier plus avant… Alors on parle le patois du village, mais on connait la langue Française.

Ecole minimaliste en effet : sous la restauration (Louis XVIII 1814-1824), l’État commence seulement de se soucier de l’éducation des enfants, garçons d’abord, sans grands résultats... Ordonnance du Roi portant qu'il sera formé dans chaque canton un Comité gratuit et de charité pour surveiller et encourager l'Instruction primaire en 1816... François a alors 8 ans.

Cette année 1816 est terrible : l'éruption du Tambora en avril 1815, va amener un été 1816 sans été, avec de la neige en juin dans beaucoup de pays de l'hémisphère nord, avec des récoltes très réduites.

En 1828, l’état prévoit un service militaire long…, très long.

A 20 ans, le recrutement militaire (loi Gouvion-Saint-Cyr ) se fait désormais par le volontariat et par tirage au sort, et il dure 6 années complètes, plus 6 années de mise en disponibilité au niveau de la région.

François n’y échappera pas et ne se sentira disponible pour fonder une famille qu’à l’âge de 32 ans…

Il fréquente alors Marie-Thérèse Bernard, de son village et de 11 ans sa cadette, pour se marier avec elle le 17 janvier 1844. La même année, il quitte le nid familial et fait construire leur maison sur un terrain libre en dessous de sa maison d’enfance, rue du Chimpy.

En 1846, c’est la naissance d’Arsène, qui, marié à Marie-Louise Prunier en 1874, donnera naissance à Augusta Ruaux (1875) épouse de Joseph Etienne et à Auguste Ruaux 1878), mari de Marie Joly sans enfants, puis à Pol François Mansuy Ruaux en 1884(???)

En 1851, naissance de Léon Ruaux, qui épousera Joséphine Poirot de Harsault, et donnera naissance à notre grand-père Léon en 1891, le  petit dernier après nos grandes tantes Marie (1887 future épouse de Georges Bretzner) et Léonie (1886 future épouse d'Auguste Colin).

François travaille dans sa ferme avec ses 2 fils Arsène et Léon.

Ils ont 3 vaches, 2 bœufs, 2 chevaux de trait, un poulailler, 2 cochons et sont propriétaires de leurs champs (environ 5 hectares).

Il connaitra 2 de ses 6 petits-enfants Augusta, Auguste, les 2 premiers enfants d'Arsène.

Auguste naît un dimanche, le 19 mai 1878 ; François est fier d’avoir enfin un petit-fils ! Pour ses 2 ans en 1880, comme il doit aller au marché d’Epinal pour vendre un bœuf, il décide de lui acheter un cheval à bascule et de se faire faire un portrait « photo » au studio.

Il a alors 71 ans et il sait que sa fin approche : les hommes meurent à cet âge-là à la campagne, usés par un travail pénible. En sortant du studio, il est alpagué par une voyante qui lui propose de lire l’avenir dans les lignes de sa main. Il hésite, et il lui donne un Franc pour cette prestation.

La voyante suit les lignes de sa main droite déformée par les travaux d’une vie, et lui dit :

« Je vois un fils dans une grande guerre, qui survivra...

je vois une épidémie, encore plus meurtrière que cette guerre...

Je vois un petit-fils qui survivra dans des tranchées...

Je vois un arrière petit fils emmené en train en Russie… et revenir changé

Le travail des hommes sera fait par des machines, les villages vont se vider 

Tes arrières-arrières-petits-enfants partiront dans les villes et leurs universités

Leurs descendants parcourront de plus en plus vite la terre entière qui sera de plus en plus chaude... »

François n’est pas rassuré par ces annonces de guerres, de Russie (Napoléon avait déjà emmené beaucoup de jeunes se faire tuer en Russie), de machines (on parlait déjà de moissonneuses et de charrues révolutionnaires outre atlantique). Qu’allaient-ils devenir si le village se vidait de ses habitants ? Le seul point positif dans cette histoire était que la Terre allait se réchauffer, ce qui permettrait peut-être des hivers moins rigoureux que l’hiver dernier d’octobre à décembre 1879 où la vague de froid avait été terrible !

Il repartit sans son bœuf vers la ferme avec l’argent de ses ventes, en se réjouissant de faire le cadeau à Auguste.

6 mois après, François meurt, usé, le 1er décembre 1880, 5 jours avant ses 72 ans, satisfait d’avoir eu une vie bien remplie et 2 fils solides ayant pris le relais...

Marie-Thérèse meurt, usée elle aussi, 9 ans plus tard en 1889 à l'âge de 69 ans, en ayant connu ses 2 petites filles Léonie et Marie, mais pas Léon, né en 1891.


Voici son acte de naissance :

Lan mil huit cent huit le six décembre à deux heures *** pardevant Nous Jean François Mathieu Maire officiel de l’état civil de la commune d’Escles canton de Darney, Département des Vosges, Est comparu François Ruaux, cultivateur domicilié à Escles, âgé de trente ans, lequel nous a présenté un enfant de sexe masculin, né en son domicile aujourd’hui à l’heure de midi celui déclarant, et Elizabeth Didelot son épouse et auquel il a déclaré vouloir donner le prénom de François. Lesdites déclaration et présentation en présence de Michel Didelot Cultivateur aïeul maternel de l’enfant âgé de septante et un an, et de Jean-Nicolas Colin, manouvrier âgé de trente sept ans, tous deux domiciliés à Escles, et ont père et témoins signé avec nous le présent acte après que lecture leur en a été faite

L’an mil huit cent quarante quatre, le dix-sept janvier, à dix heures du matin, pardevant nous Joseph Maurice Poirot, maire de l’état civil de la commune d’Escles, arrondissement de Mirecourt, département des Vosges, étant dans la maison commune, sont publiquement comparus, d’une part François Ruaux âgé de trente cinq ans, cultivateur domicilié à Escles, où il est né le six décembre mil huit cent huit, comme il conste par son acte de naissance inscrit dans les registres de la commune d’Escles que nous avons vérifié exprès à l’instant même, fils majeur des époux Jean François Ruaux, âgé de soixante cinq ans et Elizabeth Didelot âgée de cinquante neuf ans, tous deux cultivateurs domiciliés à Escles, ici présents et consentants, d’autre part demoiselle Marie-Thérèse Bernard âgée de vingt quatre ans domiciliée à Escles, où elle est est née le trente et un octobre mil huit cent dix neuf, lesquels , comme il conste par son acte de naissance inscrit sur le registre de cette commune que nous avons vérifié exprès à l’instant même, fille majeure des époux Joseph Bernard âgé de cinquante trois ans et Marie-Anne Joly âgée de quarante huit ans, tous deux cultivateurs domiciliés à Escles, ici présents et consentants lesquels nous ont ont requis de procéder au mariage projeté entr’eux et dont la publication a eu lieu en cette commune les dimanches sept et quatorze janvier, présente année, comme il conste par les actes inscrits sur le registre de publication de mariage de cette commune que nous avons vérifié exprès à l’instant même. Aucune opposition au mariage ne nous ayant été signifiée, faisant droit à la réquisition des parties, après leur avoir donné lecture des pièces ci-devant mentionnées, et du chapitre six du titre du code civil intitulé « du mariage » nous avons demandé aux requérants s’ils voulaient se prendre pour mari et femme, et chacun d’eux ayant répondu affirmativement,nous avons déclaré et déclarons au nom de la loi, que François Ruaux et Marie-Thérèse Bernard sont unis par le mariage. De quoi nous avons dressé le présent acte en présence de Joseph Ruaux âgé de cinquante-neuf ans, cultivateur domicilié à Escles, oncle paternel de l’époux ; de Etienne Balaud, âgé de soixante-deux ans, cultivateur domicilié à Escles, oncle par alliance du côté paternel de l’époux ; de François Bernard âgé de cinquante un ans, cultivateur domicilié au Void d’Escles, oncle paternel de l’épouse et de François Poirot âgé de cinquante-un an, cultivateur domicilié au Void d’Escles, oncle paternel par alliance de l’épouse, lesquels ainsi que les parties contractantes et leurs père et mère ont signé avec nous le présent acte aux deux registres après lecture et collation.